J’ai reçu, il y a quelques jours, le message suivant de Wolfgang SMITH avec qui je suis en correspondance depuis de nombreuses années et qui avait préfacé mon « Dictionnaire de la Verticalité ». Ce message était destiné à accompagner ce que ce grand scientifique, métaphysicien et théologien (alliage très rare chez la même personne) estime être « son dernier article ».
J’ai pensé qu’il serait bien égoïste de ma part de garder ce témoignage d’une pensée exceptionnelle pour moi seul; aussi ai-je décidé de le partager avec vous après que je l’aie traduit de l’anglais.

Je vous en souhaite à tous bonne lecture

Louis SAINT MARTIN

Cher Louis

Permettez-moi tout d’abord de vous remercier cordialement pour vos bons vœux d’anniversaire, que j’ai accueillis avec joie.
J
e viens de terminer ce que je crois honnêtement être mon dernier article, dont je joins une copie. Comme je suis sûr que vous le comprendrez, j’aimerais pouvoir continuer à écrire. Mais cela devient de plus en plus difficile : « l’esprit est volontaire mais la chair est faible,.. » Mais je remercie Dieu qu’à l’âge de 93 ans je puisse encore participer à des conférences, donner des conférences et écrire des articles.
Deo gracias.

Et d’ajouter, cette fois-ci en allemand sa langue maternelle :

Toutes mes meilleures salutations
Votre vieil ami

Wolfgang.

J’ai rajouté quelques notes explicatives, aux notes de bas de page déjà prévues par l’auteur. Pour les en distinguer, je les ai fait précéder de « NDT » et leur ai attribué une autre couleur.

 De l’Être et de la Conscience

Alors que le concept d’Être a en effet été remplacé aujourd’hui par celui de Devenir, la Conscience attire de plus en plus l’attention, vraisemblablement du fait que dans un monde qu’on dit « fait de particules », cela, en réalité, ne pourrait pas exister. En nous plaçant sur un terrain à la fois védique et platonicien, nous montrerons que l’Être et la Conscience constituent les deux premiers termes d’une triade principielle. L’un et l’autre s’avèrent donc primordiaux et transcendent ipso facto le champ de la Weltanschauung contemporaine.

I

Loin de constituer un épiphénomène – en tant que produit, disons, des neurones – nous soutiendrons que la Conscience précède en un sens le cosmos en tant que tel. Selon la tradition védique, elle constitue en fait un nomen Dei [1] : le cit, à savoir, dans l’Upanishad sat-cit-ānanda, généralement traduit par « être-conscience-béatitude (NDT, ou « félicité»). Étant donné que le cosmos védique est lui-même tripartite – connu en fait sous le nom de tribhuvāna ou « monde triple » – il est raisonnable de supposer que ces trois bhuvāna ou « mondes » correspondent respectivement aux composantes de ce nomen Dei, qui en tant que telles sont également nomina Dei [2].

Rappelons maintenant que la cosmologie védique est intrinsèquement la même que la platonicienne [3], qui envisage le tribhuvāna comme composé d’une strate aeviternelle [4], d’une psychique et d’une corporelle[5]. En identifiant cette cosmologie platonicienne avec la cosmologie védique, on arrive à une correspondance entre ces trois strates cosmiques et les nomina Dei précitées, dans laquelle l’aeviternel correspond à sat ou être, le psychique à cit ou conscience, et le corporel à ānanda.

Et là, nous avons un problème ! Car alors que l’aeviternel correspond évidemment à sat ou être, et le psychique à cit ou conscience, associer ce qui a parfois été assimilé à une « vallée de larmes » à la « béatitude »[6] – cela pourrait en effet nous sembler tiré par les cheveux. Pourtant, en y regardant de plus près, un lien fondamental entre le domaine corporel et l’ānanda védique se révèle en fait. Ce qui est en cause, c’est une profonde reconnaissance dont je suis redevable à notre propre Maître Eckhart. Voici ce qu’il écrit : Les cieux ne tourneraient pas s’ils ne suivaient pas la voie de Dieu ou de sa ressemblance. Si Dieu n’était pas en toutes choses, la Nature s’arrêterait net, ne travaillant pas et ne voulant pas ; car, que vous le vouliez ou non, que vous le sachiez ou non, la nature cherche, quoiqu’obscurément, et tend vers Dieu[7].

Je voudrais souligner, tout d’abord, que la notion de « Nature cherchant Dieu » n’est pas sans précédent dans la tradition chrétienne, et remonte en fait à saint Paul lorsqu’il déclare que toute la création gémit et travaille dans la douleur[8]…  Personne d’ailleurs ne nie l’élément de « douleur et d’angoisse » ; le point à retenir cependant, est que ces afflictions ne sont pas premières. Ce qui anime le monde, c’est l’attraction de Dieu, qui est son ānanda illimité ; et aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est finalement la raison pour laquelle toute la création « gémit et travaille dans la douleur… »

Il faut donc reconnaître que Meister Eckhart, en vérité, a fait mouche lorsqu’il déclare que la nature cherche, quoiqu’obscurément, et tend vers Dieu. Ce faisant, il nous rappelle que l’univers est doté d’un telos[9], d’une raison d’être – une reconnaissance pérenne qui, apparemment, n’a cependant pas survécu à ce que nous nous plaisons à appeler les Lumières. Le fait que le cosmos gémit et travaille cherchant le repos en Dieu n’est pas quelque chose que l’on apprend dans nos universités ! Pourtant, comme je l’ai soutenu ailleurs, cela s’avère fondamental même pour la physique contemporaine. Pour être précis, cette notion sous-tend le principe de causalité le plus fondamental : le soi-disant principe de moindre action sur lequel reposent à la fois la physique classique et mécanique quantique[10].

Pas étonnant que nos intellectuels soient mystifiés par la nature et l’origine de la conscience : il y a un long chemin, après tout, des « particules » à la béatitude (ou au bonheur) !

Une différence profonde entre l’ontologie védique-platonicienne et l’ontologie contemporaine est apparue, équivalant en fait à une opposition diamétrale. Alors que dans l’ontologie védique-platonicienne le cosmos est constitué, comme nous l’avons dit, d’ensembles irréductibles[11] eux-mêmes tripartites – constitués notamment d’une composante aeviternelle, psychique et corporelle, dont chacune est elle-même une IW (c’est à dire une Totalité Irréductible dans le langage de l’auteur) – dans la conception contemporaine, les entités sont conçues simplement comme une « somme de parties », dont, par définition, le stade ultime échoit aux « atomes ».

En un mot, notre Weltanschauung[12] impose une vision « ascendante ».

S’il est vrai que la vision contemporaine trouve son efficacité dans les prodiges technologiques auxquels elle ouvre la voie, il y a pourtant une chose qui a été irrémédiablement perdue : c’est l’ÊTRE, devenu de facto incompréhensible. Notre science fondamentale, à savoir la physique, est après tout fondée sur une réduction des touts à leurs parties spatio-temporelles, un processus qui, comme nous le savons, mène finalement au royaume fantasmagorique de la théorie quantique.

L’espoir, au début du XXe siècle, était qu’ici, nous serions enfin confrontés à la réalité ultime. Mais maintenant, un siècle plus tard, il est cependant évident que nous avons été trompés. Il s’avère que le véritable objet de notre quête ne se trouve pas dans les « atomes » après tout. Il apparaît que le monde corporel, proprement dit, se tient ontologiquement au-dessus du physique, et que toute réalité – quel que soit l’être considéré – qu’on puisse trouver dans les domaines de la physique mécanique ou quantique, est en fait venue « d’en haut » à travers le corporel. Pour être précis, il s’avère que les entités de la physique classique reçoivent tout leur être directement du corporel, alors que les objets fantasmagoriques de la théorie quantique reçoivent le leur de la physique[13]. La réalité s’avère ainsi à l’opposé de l’opinion qui préside actuellement ; comme dirait un de nos amis : « Platon gagne encore ».

Il est à noter qu’un monde constitué en définitive « d’atomes et de vide » est ipso facto évolutionniste : dans un tel univers, il doit notamment y avoir un processus par lequel ces « atomes » postulés se combinent – et se recombinent – pour former les agrégats qui, soi-disant, composent le monde. Et il va sans dire que le cas le plus problématique de tous est celui de la formation des organismes vivants : comment ces structures d’une complexité presque inimaginable naissent-elles par un processus d’agrégation apparemment aléatoire[14] ? Qu’il suffise de noter que loin d’être empiriquement vérifiable, le principe selon lequel « ainsi se font-ils » ne repose, en fin de compte, sur rien de plus substantiel que cette vision du monde ascendante, qui en exige évidemment un peu plus.

En revanche, dans un cosmos fondé sur le principe triadique sat-cit-ānanda, où le sat – ou l’être – relève d’une strate supra-temporelle, rien qui soit doté de l’être ne peut effectivement être le produit d’une « évolution », pour la raison même qu’un processus temporel ne peut donner lieu à une réalité éternelle ! On pourrait aussi dire qu’un tout irréductible ne peut être produit par une agrégation de parties, ce qui implique en fait que la cosmogénèse ne peut être comprise dans les termes d’un quelconque processus physique comme tel.

Comment alors la comprendre ? Ce qu’il faut comme condition sine qua non, c’est ce que j’appelle la causalité verticale, un concept auquel nous sommes arrivés dans le contexte du problème de mesure : comment expliquer le soi-disant « effondrement » de la fonction d’onde[15] dans la mesure d’un système quantique. Il s’avère que cet effondrement ne peut être compris en termes de causalité sur laquelle repose la physique – ce que j’appelle la causalité horizontale – qui agit comme un processus spatio-temporel. Ce qu’il faut, c’est une causalité qui agit « instantanément », et non pas dans le temps. C’est ce que nous appelons la causalité verticale, celle qui s’origine sur le plan éternal[16] et donne naissance à toute totalité irréductible où qu’elle se trouve[17]. Propre à la cosmologie platonicienne est la reconnaissance que l’Être constitue un tout irréductible situé sur le plan aeviternel ou dérivé de celui-ci par voie de causalité verticale.

Il est intéressant de noter que l’impossibilité de produire une totalité irréductible au moyen de la causalité horizontale a été établie sur des bases mathématiques dans le contexte de la théorie de l’information. Je fais référence à un théorème découvert en 1998 par William Dembski[18] qui a suscité énormément de commentaires allant de l’éloge funèbre à la damnation éternelle. Pourtant, la découverte de Dembski est avant tout un théorème mathématique. Se plaçant sur le terrain de la théorie de l’information, il a prouvé qu’aucun processus temporel, qu’il soit déterministe, aléatoire ou stochastique[19], ne peut produire ce qu’il appelle une Information Spécifiée Complexe. Le fait est que la CSI (ISC en anglais) de Dembski constitue une exemplification théorique de l’information d’un tout irréductible[20]. Ce que Dembski a prouvé peut donc être considéré comme une version théorétique[21] d’une vérité intrinsèquement ontologique, qui en tant que telle est pratiquement évidente : à savoir le fait, qu’il faut une causalité verticale pour produire un Tout Irréductible (IW). Et cette reconnaissance ontologique suffit à réfuter la possibilité non seulement de l’évolution darwiniste[22], mais de tout scénario ascendant imaginable prétendant donner naissance à des organismes vivants, ou plus généralement, à un tout irréductible quel qu’il soit[23].

Il nous appartient maintenant de rappeler une intuition pérenne : à savoir que, comme le cosmos, l’anthropos aussi est tripartite, et constitue en fait un véritable microcosme, un « cosmos en miniature » pourrait-on dire. Et cela implique que ce que nous avons énoncé à propos de l’ontologie du macrocosme tripartite se répercute mutatis mutandi sur l’anthropos. Il s’avère donc, tout d’abord, que notre tripartition spiritus-anima-corpus correspond également à la triade védique nomina Dei : sat-cit-ānanda, c’est-à-dire que notre « esprit » humain est une manifestation de sat ou être, notre anima ou « psyché » de cit ou conscience, et notre corps corporel – encore une fois étonnamment ! – d’ānanda ou « béatitude ». Il est à noter que la première de ces reconnaissances – l’aeviternité du spiritus – réfute une fois de plus l’affirmation évolutionniste : le fait même que la composante la plus élevée de l’homme transcende le temps, suffit à exclure une origine évolutive : à l’évidence rien ne transcende le temps ne peut avoir « évolué »[24] ! Je présume en outre que ce que la correspondance ānanda signifie avant tout, c’est que notre nature corporelle est bienheureuse dans la mesure où elle a été restaurée dans sa pureté native ; et cela peut en effet être un objectif de la pratique yogique dans sa forme la plus basse.

On peut noter que la transcendance temporelle de l’homme a, en fait, été reconnue et étayée sur des bases empiriques rigoureuses par James J. Gibson, le psychologue cognitif qui a discerné l’invalidité de la soi-disant « théorie de l’image rétinienne » de la perception visuelle, et a découvert une substitution qu’il qualifie d’« écologique » pour souligner que, loin d’être « dans la tête », ce qui est perçu relève en fait de l’environnement. Et, assez étonnamment en cours de route, Gibson a démontré qu’il ne peut y avoir de perception du mouvement à moins que le percipient lui-même ne transcende le temps[25]. Pour ma part, je considère les découvertes empiriques de James Gibson comme un facteur décisif dans la récupération de la rectitude ontologique. Ces découvertes nous alertent en outre sur la possibilité que la courbe de l’histoire qui commence au XVIIe siècle avec Galilée et Descartes – ce que les historiens appellent généralement les Lumières – touche enfin à sa fin. Car, ce que Gibson a démontré, je crois, c’est qu’une science authentique et rigoureuse concordant avec l’ontologie platonicienne peut être réalisée sur des bases empiriques. Il me semble que cet empiriste particulièrement doué puisse s’avérer être le précurseur d’une science naturelle rigoureuse incluant la physique, qui ne perçoit plus le monde « à l’envers »: à savoir une science qui s’accorde avec la cosmologie védique et platonicienne.

II

Il est à noter que l’anthropologie correspondante à ces conceptions jette un éclairage très nouveau sur le phénomène de la mort : on constate  que « les deux tiers » de l’être humain, pour ainsi dire, subsistent dans cette approche de la réalité. D’ailleurs cette conception pourrait avoir quelque chose d’un euphémisme ; notamment parce qu’elle néglige de prendre en compte le fait que l’entité tripartite, constituée de corpus, anima et spiritus, constitue un tout irréductible. Il s’ensuit, nécessairement, en vertu de cette irréductibilité même, que la composante corpus est en quelque sorte impliquée dans le composé anima-spiritus. Par conséquent, la composante corpus du défunt – bien qu’elle ne se manifeste plus en tant que telle – n’est ni perdue ni réellement séparée du composé anima-spiritus : nous n’avons pas affaire à une entité comme somme de parties, mais à une totalité qui est intrinsèquement indestructible en vertu du fait qu’elle appartient implicitement au domaine aeviternel.

Il convient de noter que cela résout un problème qui a longtemps dérouté les étudiants de la tradition védique, à savoir la question de la pseudo « réincarnation ». Il y a des passages, notamment dans les textes védiques faisant manifestement allusion à une « renaissance » de l’âme après la mort dans un autre corps ; et alors que les personnes bien informées ont toujours compris que cela ne doit pas être pris au sens littéral, on peut difficilement nier qu’une confusion considérable a longtemps régné sur cette question. Ce qu’il faut saisir, c’est que le lien entre « l’esprit, l’âme et le corps », loin d’être accidentel, s’enracine dans la totalité irréductible du composé corpus-anima-spiritus : une totalité qui dérive en fait de spiritus, son composant aeviternel. Et c’est pourquoi le lien entre spiritus et anima-corpus s’avère incassable ; il constitue un fait ontologique qui exclut la possibilité d’une soi-disant réincarnation, telle qu’elle est généralement comprise.

En ce qui concerne maintenant l’eschatologie chrétienne, il convient de noter que l’anthropologie tripartite dont nous avons parlé porte de manière décisive sur la doctrine de la Résurrection, qui se présente peut-être comme l’enseignement chrétien le plus ardu de tous à concevoir. Du point de vue de la somme des parties, une telle « résurrection » s’avère de facto inconcevable. Imaginez une mort violente dans laquelle le corps est virtuellement atomisé et les fragments éparpillés sur une vaste région de l’espace. Ajoutez à cela la possibilité très réelle qu’un nombre incalculable de ces fragments fassent partie d’un autre corps humain, et qu’il soit également ressuscité ! Pas étonnant que lorsque saint Paul aborda le sujet, les intellectuels athéniens de l’Aréopage commencèrent à prendre congé : Et quand ils entendirent parler de la résurrection des morts, certains se moquèrent : et d’autres dirent, nous t’entendrons encore à ce sujet.[26]

Nous commençons peut-être à réaliser que rien de moins que l’ontologie védique-platonicienne ne rend rationnellement concevable une véritable « résurrection des corps ». Ce qui le permet, c’est le fait que l’anima et le corpus sont en quelque sorte dérivés du spiritus et incarnent par conséquent son essence, qui pour chaque personne est unique. En d’autres termes, il y a donc un niveau de réalité – à savoir l’aeviternel – qui n’est pas affecté par le phénomène de la mort, par la séparation ou la perte de la composante corporelle. Une authentique « résurrection des corps » est ainsi rendue concevable.

Il n’en demeure pas moins qu’une « résurrection des corps » n’est mentionnée nulle part dans la tradition védique : pourquoi ? Il se trouve que la raison nous en a été donnée — dans les termes les plus apodictiques qu’on puisse concevoir — par le Christ lui-même : Je suis la Résurrection ! déclare-t-il[27]. Il y a donc, sur cette base, une distinction catégorique à faire entre la tradition védique et la tradition chrétienne, alors qu’il n’y a en vérité aucun conflit entre les deux. Ce qui signifie que les deux peuvent en effet être vraies ; mais elles ne sont en aucun cas une seule et même chose. Nous sommes donc en profond désaccord avec la notion schuonienne de différents chemins menant au même sommet[28] , et le déclarons d’ailleurs en stricte conformité avec les deux traditions :

  • Avec la védique en vertu du fait qu’une résurrection du corps n’est mentionné nulle part dans cette religion,

  • Et avec la chrétienne basée sur Jean 11.25, qui règle la question une fois pour toutes.

Par conséquent en tant que chrétien et en tant que personne qui tient la religion védique en haute estime, tout à la fois, je ne peux que rejeter le principe de « l’unité transcendante [des religions]. Comme je l’ai longuement soutenu dans une monographie récente, l’Eschaton[29] de la religion védique – ce que j’appelle l’option nirvānique – est en quelque sorte antipodale à la chrétienne, qui établit, comme nous l’avons noté, un Salut intégral de l’être humain, dans lequel même notre nature corporelle est immortalisée ! On pourrait en revanche soutenir que, dans l’Eschaton védique, l’humain survit précisément dans son essence aeviternelle, alors que ses composantes psychiques et corporelles sont « offertes aux flammes ». C’est probablement la raison pour laquelle les moines hindous portent des robes de couleur gerua ; gerua étant la couleur des flammes.

Revenons enfin au satcidānanda védique : nous sommes ici confrontés à trois nomina Dei qui, prises ensemble, constituent un nomen Dei à part entière. Pour prévenir la possibilité de confondre cette triade védique avec la Trinité chrétienne, je signale que les deux conceptions ne sont en rien proportionnées. Dans la mesure où la Trinité chrétienne n’ayant aucune référence directe au cosmos, ne relève que de la théologie pure – contrairement au satcidānanda védique, triplicité qui, comme nous l’avons expliqué, constitue la clé de la compréhension ontologique du cosmos en son intégralité tripartite.

Qu’il puisse y avoir un lien entre la nature tripartite du cosmos et le mystère trinitaire, c’est quelque chose que je ne me risquerais ni à nier ni à affirmer.

WOLFGANG SMITH

NOTES

[1] NDT : le « nom de Dieu »

[2] NDT : les attributs ou noms de Dieu

[3] « La Cosmologie Platonicienne », article non encore publié.

[4] NDT : qui se situe hors du temps, qui participe de l’éternité mais sans se confondre avec elle, car l’éternité   n’appartient qu’à Dieu.

[5] The Vertical Ascent (PSIF, 2020) ch. 2

[6] Ou à la félicité…

[7] Meister Eckhart (London Watkins, 1925), vol. I, p. 115

[8] Rom, 8 :

[9] NDT : télos en grec, désigne l’achèvement, l’accomplissement, la réalisation, la fin poursuivie…Ce qu’Aristote appellera la « cause finale ».

[10] A ce sujet, je renvoie à mon ouvrage The Vertical Ascent (PSIF, 2020), pp. 169-172

[11] Une entité est dite une Irréductible Totalité (IW) si elle ne se réduit pas à une somme de parties

[12] NDT : vision du monde.

[13] Voir Physics : A Science in Quest of an Ontology (PSYF, 2022), Pt. I

[14] Nous écrivons apparemment aléatoire, parce que les évolutionnistes ont pour règle de reculer devant tout suggestion d’un quelconque « dessein intelligent ».

[15] NDT : Wolfgang Smith nous renvoie ici à la question de la réduction du paquet d’onde, concept de la mécanique quantique selon lequel, après une mesure, un système physique voit son état entièrement réduit à celui qui a été mesuré. En d’autres termes et en résumant à l’extrême, la théorie suggère que ce que nous considérons comme la réalité possède une infinité théorique d’états quand elle n’est pas « mesurée », c’est à dire « perturbée » par une mesure, provoquant une décohérence quantique. Ce qui ne laisse pas de soulever des questions que Wolfgang Smith considère, fort justement, comme irrésolubles par la physique quant à notre conception de ce que désigne le mot « réalité ».

[16] NDT : c’est à dire “hors du temps », donc participant à l’Eternité, sans se confondre avec elle qui n’appartient qu’à Dieu.

[17] Cette terminologie a été introduite dans The Quantum Enigma (Angelico Press, 1995) où il fut prouvé que la causalité verticale est nécessaire pour résoudre le problème de la mesure en matière de mécanique quantique. Les données de base reliant la causalité verticale à la totalité irréductible (IW) ont été établies dans Physics : A Science in Quest of an Ontology (PSIF, 2022), Pt. I, ch. 3

[18] The Design Inference (Cambridge University Press, 1998)

[19] NDT : dû ou propre au hasard ; mais aussi traitement des données statistiques, par le calcul des probabilités.

[20] Voir Physics : A Science in Quest of an Ontology (PSIF, 2022), Pt. II, ch. 1

[21] NDT : qui vise à la connaissance pure, à la spéculation. A distinguer de « théorique » qui évoque une connaissance abstraite ou l’élaboration de théories souvent très éloignées de la réalité, donc susceptibles d’erreurs, quelquefois tragiques. Par exemple la théorie suivant laquelle la raison, la science, le progrès allaient apporter joie, paix et prospérité sur Terre. Nous expérimentons tous les jours les effets d’une telle vision déformée de la réalité.

[22] La question se pose évidemment de savoir comment une théorie prétendument scientifique peut conserver son statut après qu’elle a été réfutée ! La réponse définitive, apparaît-il, a été donnée par Thomas Kuhn qui a démontré qu’en matière de théories scientifiques de rang paradigmatique, quelque chose d’assez inattendu se produit :  Une fois que ladite théorie a atteint le statut de paradigme – écrit-il -, elle n’est déclarée invalide que si une candidate suppléante est disponible pour le remplacer. On pourrait ajouter qu’Alexander Unzicker a également raison lorsqu’il observe qu’il n’y a aucun moyen de convaincre un expert qu’il ou ella a soutenu des bêtises pendant trente ans.

[23] NDT : en d’autres termes à un scenario ou l’inférieur et le quantitatif, déciderait du supérieur et de l’ontologique ce qui est le propre de notre culture totalement inversée ou invertie, au choix.

[24] NDT : puisque évoluer implique des modifications entraînées par le déroulement du temps.

[25] [25] Pour une introduction à la théorie de Gibson, je renvoie à son ouvrage majeur : The Ecological Approach to Visual Perception (Laurence Erlbaum, 1986). En accord avec les implications de la théorie de Gibson, je renvoie à mon chapitre The Enigma of Visual Perception, dans Science & Myth, (Anglico Press, 2010).

[26] Actes 17.32

[27] Jean 11:25

[28] Frithjof Schuon The Transcendent Unity of Religious (Harper, 1975)

[29] NDT : L’Eschaton – qui a donné le substantif « eschatologie » – désigne la destinée finale du monde, la fin de toutes choses.

4 réponses à to “DE L’ÊTRE ET DE LA CONSCIENCE par WOLFGANG SMITH”

  • Zephyrovitch:

    Monsieur,

    Tout d’abord un grand merci pour cette article ; je souhaiterais savoir si vous avez toujours l’intention de traduire certains livres du professeur Smith.
    D’avance merci pour la réponse.

    • Je vous remercie de votre aimable message et suis très heureux que la pensée du Pr Smith vous ait intéressée.
      J’ai en effet traduit deux des ouvrages du Pr Smith, dont le tout dernier « La Physique : une Science en quête d’une Ontologie ». Auparavant j’avais traduit « Cosmos et Transcendance ». Un mois de travail à peu près pour chacun d’eux. Mais n’ayant aucun droit sur ces ouvrages et les ayant traduits par pure estime et amitié pour Wolfgang Smith, je ne peux malheureusement pas les publier. Et je le regrette beaucoup.
      Ils devraient l’être par L’Harmattan …. mais Dieu seul sait quand ???
      Bien cordialement à vous
      LSM

  • Zephyrovitch:

    oups! cet article…

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